Sécurité nationale : faire face aux crises d’ampleur nationale

Sécurité nationale : faire face aux crises d’ampleur nationale

 

La crise du coronavirus a mis en évidence la grave carence de l’Etat en matière sanitaire.

Les conséquences en ont été catastrophiques, puisque :

– la France a déploré un nombre de décès représentant plus du triple de celui de l’Allemagne, pourtant davantage peuplée ;

– la France a dû procéder, pour compenser son impréparation totale en matière d’équipements sanitaires de base (dont en particulier les masques), à un confinement plus long et plus radical qui a encore creusé le fossé entre notre économie et les économies de l’Allemagne et du reste de l’Europe du nord.

Le CNIP sera en pointe dans la mise en œuvre de l’enquête et des poursuites judiciaires visant à déterminer et à sanctionner les responsabilités dans la catastrophe sanitaire. Au-delà, il faut tirer les leçons de cette catastrophe, ce qui implique tout d’abord de poser les bonnes questions.

Le CNIP formule ainsi deux observations fondamentales :

La catastrophe sanitaire n’a pas été pour l’essentiel une question de moyens, mais une question de mauvaise répartition des moyens et d’inadaptation des procédures et des comportements.

Ainsi, on sait que la carence du système hospitalier a lourdement aggravé la crise du coronavirus dans notre pays. Mais cette carence tient beaucoup moins au nombre total de lits d’hôpitaux (6 pour 1000 habitants contre 8 en Allemagne) qu’au nombre de lits de réanimation (au début de la crise, 5 000 contre 28 000 en Allemagne). C’est l’insuffisance des capacités en réanimation qui a failli provoquer des décès encore plus massifs de malades gravement atteints. C’est donc logiquement le nombre de malades en réanimation qui a été la variable la plus cruciale scrutée par tous les observateurs.

Ainsi encore, l’application à une situation d’urgence extrême de procédures lourdes et inadaptées, telles que le lancement d’appels d’offres pour l’achat de masques, a favorisé la transformation de la crise sanitaire en catastrophe sanitaire. Y a aussi puissamment contribué l’éparpillement des centres de décision, source d’indécision et de paralysie, ainsi que l’a relevé un ancien Directeur général de la santé.

Dans le même ordre d’idées, la pénurie de produits aussi élémentaires que les masques chirurgicaux n’est pas le signe d’un sous-développement de notre pays, mais le signe des excès de la mondialisation. Il faut en particulier méditer cette erreur d’une extrême gravité qui a consisté à faire reposer l’essentiel de notre approvisionnement en équipements sanitaires sur un seul pays, la Chine, qui est historiquement le principal foyer mondial des épidémies. A ce défi, il faudra remédier par la réindustrialisation.

La catastrophe sanitaire soulève un problème qui n’est pas uniquement d’ordre sanitaire, mais qui concerne tous les domaines dans lesquels la sécurité nationale peut être en jeu.

Une épidémie est un problème sanitaire majeur, brutal et meurtrier. Fort heureusement, il n’en va pas ainsi de la très grande majorité des risques auxquels la politique de santé publique se doit de remédier : ces problèmes sont au cœur de l’intérêt général et des missions de service public mais ils ne mettent pas en cause la sécurité nationale, en ce sens qu’ils n’entraînent pas de graves bouleversements dans la vie du pays tout entier.

Parallèlement, des crises d’une ampleur comparable ou supérieure à celle du coronavirus peuvent survenir dans différents domaines, dont le domaine militaire est celui qui vient le plus spontanément à l’esprit. La manière calamiteuse dont le gouvernement a fait face à la crise sanitaire impose que soit menée une réflexion sur les autres types de crises d’ampleur nationale susceptibles de survenir, et sur la démarche à adopter pour les surmonter avec un coût minimal en vies humaines et en dommages pour l’économie.

Nous proposons la mise en place de mesures concrètes :

Création d’une Délégation générale à la Sécurité nationale.

Cette délégation sera composée de fonctionnaires détachés et, en tant que de besoin, de spécialistes issus du secteur privé et recrutés par contrat. Elle dépendra directement du Premier ministre, compte tenu du fait que ses attributions porteront sur le champ d’action de plusieurs ministères.

Elle aura pour mission, en concertation avec les ministères et, autant que de besoin, les entreprises et autres entités pouvant jouer un rôle utile, d’élaborer des scénarios de crise d’ampleur nationale (différents types d’épidémies, guerre contre une grande puissance militaire, accident nucléaire,…) et de trouver les réponses adaptées à chacun d’eux. Elle appuiera sa réflexion sur l’organisation de simulations sur le terrain, pouvant être le cas échéant associées à des manœuvres militaires. A cette occasion, des chaînes de commandement opérationnel, avec à leur tête un membre de la Délégation générale, seront définies pour les périodes de crise.

Elle aura aussi pour mission de déterminer quels sont les biens et services vitaux dont notre pays doit disposer pour faire face aux différents scénarios de crise, et comment lui permettre d’en disposer. Il faudra donc déterminer une politique de stockage, une politique d’importations et une politique de production nationale, pour éviter les ruptures d’approvisionnement. Cette dernière, que l’on pourrait qualifier de « réindustrialisation sécuritaire », présentera des points communs avec la politique de réindustrialisation que l’on pourrait qualifier d’économique (cf. également Réindustrialisation, agriculture, aménagement du territoire et logement : rétablir les équilibres), mais avec une différence fondamentale : l’Etat prendra en charge cette politique autant que de besoin, jouant son rôle régalien qui consiste notamment à assurer la protection de la vie des Français.

En cas de survenance d’une crise de grande ampleur, la Délégation générale prendra la direction des opérations. Ses décisions s’imposeront à la hiérarchie ordinaire des services administratifs, qui ne pourra plus intervenir que pour avis. Les règles dont la mise en œuvre requiert de longs délais (comptabilité publique, appels d’offres,…) deviendront inapplicables sous peine de sanctions pénales pour toutes les actions visant à résoudre la crise. Les agents publics défaillants seront immédiatement suspendus et remplacés, la justice statuant le cas échéant sur leur cas par la suite. Les attributions de la Délégation générale en regard de celles du Haut-commandement militaire seront à préciser dans le cadre de chacun des scénarios de crise. Seuls les préfets à l’échelle locale, les ministres à l’échelle nationale et les tribunaux statuant en référé pourront contester les décisions de la Délégation générale. Seul le Premier ministre sera habilité à les abroger ou les annuler.

Bruno North- Président du CNIP