Gilles Bourdouleix : « ceux qui n’acceptent pas nos valeurs de civilisation n’ont qu’à quitter la France »

https://e-deo.typepad.fr – 29 octobre 2009

EXCLUSIF ! Député du Maine-et-Loire et depuis peu président du CNI, Gilles Bourdouleix a bien voulu répondre à nos questions. L’entretien a eu lieu hier soir à l’Assemblée nationale.

Gilles Bourdouleix, bonsoir. Alors que Philippe de Villiers a rejoint le Comité de liaison, le Centre national des Indépendants paraît bien isolé. Pourquoi ne rejoignez-vous pas, dans le cadre de la stratégie d’ouverture à droite ou du Comité de liaison de l’UMP, la majorité ?

Vous savez, je suis le premier à protester parce que le CNI n’est pas invité par le Comité de liaison ! L’ouverture telle qu’elle est pratiquée actuellement ne me satisfait pas : je ne suis pas emballé par Besson ou Bockel qui ont obtenu des places sur les listes NC-UMP et des élus aux dernières élections européennes alors qu’ils ne représentent rien. L’ouverture n’est même pas efficace sur le plan électoral puisqu’entre 2007 et 2009, l’UMP a perdu des millions d’électeurs.

Deux raisons au choix du CNI de garder son indépendance par rapport à l’UMP :

– structurelle : on a des convictions, des idées, des valeurs. On doit les exprimer. Or, l’UMP, c’est un peu l’auberge espagnole, un parti fourre-tout qui veut faire plaisir à tout le monde. C’est plus un parti de supporters, pour les présidentielles notamment, qui réagit en permanence à la mode et aux sondages. Si les Français étaient persuadés qu’il faut se brosser les dents avec le manche de la brosse à dent, l’UMP serait capable de les conforter dans leur opinion et ferait une réformette, une de plus !

– conjoncturelle : l’UMP n’a plus de réserve de voix au second tour et on voit qu’elle risque de le payer aux prochaines élections… Nous pouvons tout à fait jouer ce rôle de réserve de voix.

D’où les projets de réformes des scrutins de Nicolas Sarkozy…

Auxquelles je ne suis pas favorable parce qu’elles visent clairement à améliorer les résultats d’un parti : l’UMP. Je suis partisan d’inscrire les modes de scrutin dans la constitution française.

Mais le CNI a-t-il les moyens de son indépendances ?

On n’a pas les moyens de tout faire. Par exemple, aux prochaines régionales (printemps 2010, NDLR), nous ne pourrons monter de listes, faute de suffisamment de moyens humains, logistiques et financiers. Nous souhaitons nous concentrer sur les scrutin uninominaux comme les élections cantonales de 2011.

Vous privilégiez l’enracinement…

Oui. L’implantation de longue date demande des moyens moins importants. Dans la foulée des cantonales, le CNI présentera un candidat aux élections présidentielles de 2012 puis des candidats aux législatives.

Le CNI, combien de divisions ?

Je ne vais pas, comme d’autres partis, vous donner un nombre d’adhérents truqué… Mais je ressens un frémissement du, selon moi, au changement de direction du CNI et à la lassitude et à la déception de nombreux adhérents et militants de l’UMP.

En me rendant sur le site de la ville de Cholet dont vous êtes le maire, j’ai pu constater que vous aviez une saine conception de la laïcité…

Je vais vous donner un exemple de la façon dont je vois la laïcité : à Cholet, et cela depuis 7 ou 8 ans, nous organisons près du marché de Noël place Travot (dans le centre-ville), une crèche vivante qui attire entre 20 et 25 000 personnes chaque année. Cela a scandalisé une conseillère municipale communiste qui nous a accusé de favoriser une religion par rapport à une autre. En plein conseil municipal, je lui ai lu la narration de l’histoire de Jésus. Elle croyait détenir enfin la preuve que je favorisait une religion… Puis, je lui ai expliqué que je venais de lire une page du Coran ! Elle ne savait plus quoi dire… Alors oui, je me bats contre une certaine méconnaissance des choses.

Puisque vous abordez le sujet de l’islam justement, êtes-vous favorable ou non au port du voile intégral dans les espaces publics ?

Je suis contre. Le voile intégral n’a rien à voir avec la religion musulmane, c’est une tenue traditionnelle qui existait avant Mahomet et qui a été encouragée dans les années 1920 par les Frères musulmans en Egypte. Les personnes qui le portent dans des lieux publics ont pour objectif de déstabiliser la société. C’est la politique des petits pas. On commence par des horaires spéciales pour les femmes dans les piscines en attendant le burkini… Je vais vous dire : nous avons des valeurs de civilisation. Ceux qui ne les acceptent pas et qui veulent pouvoir porter le voile dans la sphère publique n’ont qu’à quitter la France.

Au fond, comment résumeriez-vous votre conception de la laïcité ?

Pour moi, la laïcité, c’est deux principes : la protection des religions et des croyants (donc de la liberté de conscience et de croyance) et la protection contre les excès de la religion.

Nous souhaitions connaître plus concrètement votre opinion sur chacun des trois points non négociables formulés par le Saint-Père alors qu’il était cardinal : le respect de la vie de son commencement à sa fin naturelle, la défense de la famille et la liberté d’éducation.

En tant qu’homme politique, je ne me base pas sur des convictions religieuses et je ne suis pas toujours d’accord avec Benoît XVI.

Commençons si vous le voulez bien par la défense de la famille…

Le CNI que je préside défend la famille au sens traditionnel du terme, en tenant compte du fait que la famille de 2009 n’est pas la même que celle de 1950. Nous sommes opposés à la reconnaissance légale de l’homoparentalité : cela signifierait faire une loi pour des cas particuliers. Il y a derrière ces revendications un lobby très puissant dans les médias et en politique. Je suis à ce titre opposé au fait que GayLib soit associée à l’UMP, comme si la sexualité avait quelque chose à voir avec la politique : c’est ni plus ni moins du communautarisme au sein d’une formation politique qui condamne… le communautarisme.

Et le PaCS ?

En 1999, je n’étais pas député. Si je l’avais été, j’aurais voté pour le PaCS. Sur cette question, je suis assez libéral et ne verrais aucun problème à recevoir à la mairie deux personnes, y compris de même sexe, pour les PaCSer. Mais le mariage doit rester entre un homme et une femme (NDLR : Annick du Roscoät à qui succède Gilles Bourdouleix était favorable à l’abrogation du PaCS).

Mais vous savez bien que le PaCS (non homosexuel, j’entends) affaiblit la famille, la précarise, ce qui ne fait pas l’affaire des plus faibles quand il est rompu…

Vous savez, quand on voit le taux de divorce chez les gens mariés…

Justement, à ce propos, que pensez-vous de l’idée d’une préparation au mariage civil (où seraient bien rappelées les obligations des époux l’un envers l’autre et la signification pour la société de cet engagement) ?

J’y suis plutôt favorable et ai demandé à mes collègues de plancher dessus. Le mariage est une démarche sérieuse et mérite quelques explications. Or, pour marier régulièrement des administrés, je constate qu’ils ont la tête ailleurs quand je leur lis les articles du code civil…

Par rapport à la défense de la vie, quelle mesure concrète envisagez-vous pour aider les femmes en détresse sur le plan matériel par exemple et qui souhaiteraient garder leur enfant ?

Le problème, c’est que cela nécessite des aides sur une très longue durée…

Peut-être mais quand on voit à côté le coût de l’immigration et du problème des retraites…

Je trouve logique qu’on puisse avoir le droit d’avorter et n’étant pas une femme, je ne peux pas me mettre à la place de celle qui avorte. Mais je souhaite faciliter l’adoption d’enfants qui est aujourd’hui un parcours du combattant.

La liberté d’éducation maintenant. Nicolas Sarkozy ose parler d’un « équilibre » entre le public et le privé (80%-20%) et le privé est obligé de réduire ses capacités quand le public perd des élèves afin de maintenir cette (dis)proportion en l’état, alors même qu’il croule sous les demandes de parents souhaitant y inscrire leurs enfants ?

Je suis pour la liberté d’éducation et m’oppose régulièrement au discours… presque raciste de la gauche y compris dans ma circonscription où le conseil régional des Pays-de-la-Loire présidé par le socialiste Jacques Auxiette a décidé de construire un lycée public à Beaupréau où il y a actuellement un lycée privé, Notre-Dame de la Bonne nouvelle. Cette création va provoquer le départ de 100 lycéens dans chacun des deux lycées publics de Cholet. Elle ne répond à aucun besoin, si ce n’est celui de concurrencer le privé.

A Cholet, le privé et le public scolarisent chacun la moitié des jeunes de la ville et j’en suis très content. Je souhaite un toilettage de la loi Falloux.

Cholet va-t-elle rejoindre la Vendée comme on peut le lire sur Internet ?

(Rires) Non, c’est juste que Cholet a plus de liens avec la Vendée et mériterait, avec ses 53 000 habitants, d’être chef-lieu d’un département.

Nos lecteurs sont jeunes et souvent désabusés par la politique, que leur diriez-vous ?

Engagez-vous, défendez avec force vos convictions, prenez votre carte au CNI. Surtout, ayez des idées…

Avoir des idées n’aide pas à évoluer au sein d’une formation politique…

C’est certain. Il est plus facile d’être un godillot, de dire amen à tout, surtout dans un régime aussi courtisan.

C’est pire que sous Chirac, vous ne trouvez pas ?

Je ne vous le fais pas dire !

Un dernier mot sur le départ de Christian Vanneste du CNI ?

Je regrette ce départ. Mais c’est comme ça… C’est dommage car en 2007, c’est grâce à l’investiture du CNI que l’UMP n’a présenté personne face à lui dans sa circonscription. Pour obtenir ce résultat, il a fallu qu’un de nos candidats qui aurait pu être dangereux pour l’UMP dans une autre circonscription, se retire.

Vous vous parlez toujours ?

Bien sûr !

Lui se sentirait mieux si Frédéric Mitterrand démissionnait…

Le soutien de Frédéric Mitterrand à Roman Polanski a été une erreur. Il n’avait pas à se mêler d’une affaire qui regarde la justice américaine. J’espère que celle-ci va faire son travail et qu’elle saura être indulgente, vue l’ancienneté des faits. Dans l’affaire qui a suivi, ce qui me choque le plus, c’est que le président de la République ait nommé ministre de la culture Frédéric Mitterrand en connaissance de cause puisqu’il dit avoir apprécié son livre. Je considère qu’il n’aurait pas fallu le nommer mais puisqu’il est ministre, donnons-lui une chance et laissons-lui la possibilité de se repentir.

Gilles Bourdouleix, merci d’avoir répondu à nos questions.

Thibaud