Depuis le référendum de 1974, les Mahorais, contrairement au reste de l’archipel des Comores qui ont choisi l’indépendance, sont restés Français. Ils viennent de confirmer ce choix.
Cependant, le CNI exprime les plus grandes réserves sur les conditions et les suites à donner au référendum du 29 mars 2009 qui vient d’être organisé à Mayotte et qui porte sur la question de l’évolution de cette île de l’Océan Indien vers le statut de département.
Premièrement, le référendum du 29 mars 2009, organisé sur le fondement des dispositions de l’article 72-4 de la Constitution, met en lumière l’inadaptation des règles constitutionnelles en vigueur qui ne permettent pas à l’ensemble de l’électorat national de se prononcer sur une question d’une importance majeure. Au demeurant, le CNI observe que, si le « oui » l’a emporté avec 95,02 % des suffrages exprimés, l’importance du taux d’abstention, à près de 40 %, ôte une grande part de sa signification à la consultation qui vient d’avoir lieu. Le référendum organisé en 1988 sur l’évolution du statut de la Nouvelle Calédonie était ouvert à l’ensemble de l’électorat national et il aurait dû en être de même pour le référendum du 29 mars 2009. En conséquence de ce choix contestable, la question de la départementalisation de Mayotte, au moment où l’outre-mer français traverse une période particulièrement complexe, aurait mérité un vrai et sérieux travail d’information de l’ensemble des Français par le gouvernement.
Deuxièmement, le « pacte pour la départementalisation de Mayotte » proposé par le gouvernement est la caricature de l’amateurisme et de l’imprévoyance des gouvernements successifs. Ce pacte indique : « l’évolution institutionnelle rapide permettra un nouvel élan pour achever progressivement la mise en place du droit commun. Sa mise en œuvre exigera un travail approfondi de préparation technique, d’explication et de vérification. » Le CNI désapprouve le fait que la réflexion nécessaire sur les conditions de la mise en place du droit commun à Mayotte n’ait pas précédé l’organisation du référendum sur la départementalisation. De fait, il est tout à fait anormal qu’un référendum aussi important soit tenu alors qu’un service public aussi banal et indispensable à la tenue d’une consultation électorale que celui de l’état civil est encore très loin d’être achevé à Mayotte. Il est tout à fait anormal qu’en trente ans, aucun travail de recensement de la population de Mayotte n’a jamais été entrepris et mené à son terme. Or le gouvernement organise un référendum sur un territoire dont il ne connaît pas le nombre d’habitants et qui est le réceptacle d’un nombre très important de clandestins. Le CNI s’interroge, de plus, sur la sagesse de la politique mise en œuvre actuellement qui, notamment, va avoir pour conséquence l’extension à Mayotte de l’obligation de financement de prestations sociales. Cette perspective explique largement le résultat de la consultation. Or l’identité fiscale entre Mayotte et le reste des départements français, initialement prévue pour le 1er janvier 2008, a été repoussée par la loi du 21 février 2007 au 1er janvier 2014. Tout indique déjà que la date du 1er janvier 2014 ne sera pas davantage respectée et la question reste entièrement ouverte de savoir comment les habitants de Mayotte participeront, par l’impôt, à l’effort de financement national. Par conséquent, le CNI ne croit absolument pas à la possibilité d’accomplir d’ici 2011, date attendue du passage effectif de Mayotte au statut de département d’outre-mer, le travail considérable de « préparation technique, d’explication et de vérification » qui aurait dû être entrepris dès 1975.
Troisièmement, le CNI s’élève solennellement sur les violations du droit et des principes fondamentaux de la République qui, déjà, se manifestent dans le processus en cours à Mayotte, dans l’indifférence générale et avec l’aide du gouvernement. En effet, alors que Mayotte se distingue sensiblement des quatre autres départements français d’outre-mer par le fait que ses habitants sont de religion musulmane et que l’analphabétisme y reste répandu, le gouvernement ne garantit nullement l’application du principe de l’égalité hommes-femmes à Mayotte. Les gouvernements successifs, notamment au travers de la loi du 21 juillet 2003, ont, de façon tout à fait scandaleuse, autorisé le maintien du régime matrimonial de la polygamie pour les habitants de Mayotte déjà mariés. De façon arbitraire, la polygamie n’est interdite que pour les unions futures. Le CNI veillera au respect du droit des femmes à Mayotte. Le CNI s’interroge ensuite sur la capacité de Mayotte à s’adapter à l’organisation judiciaire nationale dans la mesure où les « cadis » (juges locaux de tradition musulmane) continueront d’intervenir dans le processus de résolution des différends, chose absolument inconnue dans le reste de la République.
Le résultat du référendum du 29 mars 2009 signifie que le gouvernement doit présenter au Parlement, avant la fin de l’année 2009, un projet de loi organique pour changer le statut de Mayotte. Il est prévu que la loi ordinaire précisera, ensuite les modalités concrètes de mise en œuvre du droit commun de la République.
Les parlementaires CNI ne manqueront pas de faire entendre leur voix au moment des débats parlementaires à venir et d’appeler la représentation nationale à faire application, sans faille ni compromis, des principes fondamentaux et traditionnels du droit.
Daniel Mugerin