La France des médias est trop occupée à angoisser actuellement l’opinion publique des dangers du coronavirus ; cela lui permet d’occulter les enjeux des prochaines élections régionales et départementales et, ainsi, d’éviter de faire réfléchir à des problématiques considérées à tort comme subalternes.
Ne nous faisons pas d’illusion, annoncé le 13 et 20 juin prochain, ce vote sera pollué par la proximité des élections présidentielles.
Ensuite, nous constatons qu’il n’y a pas d’interrogations dans l’opinion sur la concomitance des élections régionales et des élections départementales. Nous ne croyons pas un seul instant que ce soit par un souci d’économies qui ait conduit nos dirigeants à organiser cette confusion multiple.
Confusion de périmètre : la région, les départements.
Confusion de prérogatives… entretenue depuis les Lois Defferre et NOTRe : qui fait quoi ? Comment, dès lors, comparer bilans et projets ?
Confusion des modes de scrutin : pour la région, une proportionnelle à deux tours avec prime de 25 % à la liste arrivée en tête. Pour le département, il s’agit d’un système compliqué d’une élection double (homme/femme) avec suppléants (homme/femme), par canton, au scrutin majoritaire à deux tours.
Outre que les résultats puissent être totalement différents : la majorité de l’une étant radicalement différentes des majorités départementales (les coopérations entre les départements et la région peuvent être compliquées, voire tendues), on doit se poser la question de la représentativité qui, dans un cas, est spatiale, dans l’autre, plus… populaire. Avec un scrutin de liste à la proportionnelle (même tempéré par la prime majoritaire), on peut considérer que presque toutes les composantes de l’opinion sont représentées. Avec le scrutin départemental cantonal majoritaire sont le plus souvent exclues les tendances considérées comme plus clivantes, comme le Rassemblement national (26 % lors des dernières départementales pour une soixantaine d’élus seulement sur l’ensemble de la France et aucun département). Dans le premier cas, toutes les portions du territoire ne sont pas représentées dans la mesure où les têtes de liste, les seules à être élues, émanent le plus souvent des zones les plus peuplées. Dans le second cas – et, là, soyons très concrets, ni la France insoumise, ni le Rassemblement national et, peut-être, EELV (Les Verts) n’ont une représentation conforme à leur véritable poids électoral.
Quelles conclusions peut-on tirer de cet état de fait ?
Deux représentativités – donc deux légitimités – différentes s’annulent. L’État se régale : « Divide ut imperare », diviser pour régner… On connaît la suite.
Les deux systèmes sont imparfaits : cela n’encourage pas à la participation des électeurs.
Si l’on ajoute la confusion des prérogatives et l’émergence en plus du système concurrent des métropoles, on est loin d’une décentralisation apaisée. Est-ce voulu ?
Il y aurait peut-être des solutions (les constitutionnalistes sont imaginatifs) et c’est sans doute suggéré par la concomitance insolite que le gouvernement nous impose : que les conseillers départementaux constituent la moitié des membres du conseil régional et que l’autre moitié soit le résultat d’une proportionnelle intégrale dans chaque département. L’idée n’est pas nouvelle dans son principe. Elle pourrait l’être si l’on mettait cartes sur table (la place du département et ses prérogatives dans l’ensemble régional) et si l’on recherchait un consensus le plus démocratique possible.
Frank Buleux
Président de la commission Régions et décentralisation
Membre du Comité directeur du CNIP.